Nos pâtisseries avaient souvent pour base le « Brocciu » (mot improprement traduit par « brousse« ). Le bruccio est un caillé cuit et crémeux à base de lait de chèvre.
On caille d’abord le lait frais, cru, avec de la présure provenant d’une caillette de cabri séchée. Lorsqu’on égoutte le caillé cru, qui constituera le fromage, on recueille soigneusement le petit lait auquel on ajoute du lait frais. Le mélange est remis à chauffer, à petit feu, dans un chaudron de cuivre; il prend rapidement l’aspect d’une crème qui épaissit peu à peu. On écume la surface et lorsque la crème est suffisamment épaisse, avec une louche en bois ou en fer, on la dépose dans des éclisses en jonc tressé « Caghjaghie » pour la faire égoutter. Alors que le caillé cru a un goût aigrelet, le brocciu est onctueux et doux et constitue un dessert de choix lorsqu’il est simplement saupoudré de sucre.
Le gâteau Corse le plus apprécié était et est encore le « Fiadone » que l’on appelle aussi « Imbrucciata« . Les Fiadoni étaient, en même temps que les « Caccavelli« , les gâteaux de Pâques. Pour sa préparation, on pétrissait une pâte ferme avec farine, œufs, eau, sucre, et sel et, pendant que la pâte reposait, on préparait la garniture: dans un grand saladier on écrasait finement le brocciu frais à la fourchette, on y ajoutait pas mal de sucre, du zeste de citron râpé et des oeufs, mais pas trop car cette garniture devait être assez consistante, et ne pas couler. On étendait ensuite la pâte au rouleau et, renversant un bol sur cette abaisse, avec un couteau pointu, on découpait des ronds de pâte.
Au centre de chaque disque, on disposait ensuite quelques cuillerées de la préparation au brocciu puis, en relevant les bords du disque et en les pinçant entre le pouce et l’index, on formait des petites tartelettes que l’on badigeonnait au jaune d’oeuf. Les tartelettes ainsi façonnées devaient cuire, sans moules, sur des feuilles sèches de châtaignier, dans le four communal, à côté des « Caccavelli« . Ces derniers étaient des couronnes de pâte sucrée semblables à ce que l’on appelle des « coques« , mais faits d’une pâte plus consistante, de levain, de farine et d’oeufs et parfumée au citron et à l’anis. Sur chaque « Caccavellu » on disposait un oeuf frais dans sa coquille que l’on fixait avec un croisillon de pâte. Ces couronnes, préparées la veille, couvertes d’une toile, levaient doucement. On ne les portait au four que le lendemain et, avant de les enfourner, on les dorait à l’oeuf battu.
Les Caccavelli garnis d’oeufs étaient spécifiquement des gâteaux de Pâques mais avec une pâte semblable, on faisait, à l’occasion d’une fête, communion ou mariage, des pâtisseries en forme de petites couronnes, de huit, en forme de petits pains, appelés les Canistrelle. En dehors des fêtes de Pâques, fête des Caccavelli et des Fiadoni, le brocciu frais servait à confectionner d’autres desserts, les « Turlette » par exemple (petites tourtes). Elles se préparaient un peu comme les Fiadoni: un rond de pâte découpé avec un bol, une garniture de brocciu et d’oeufs, sucrée et parfumée au citron et, par-dessus un autre disque de pâte dont le pourtour, humecté d’eau, était soigneusement soudé au premier. Ces chaussons n’étaient pas cuits au four mais simplement frits dans la poêle, leur goût rappelait celui des Fiadoni. Entre autre dessert on mangeait aussi les crêpes au Bruccio, les macarons Corses « Merzapanne, et les migliacci.
Enfin, avec du brocciu frais ou même légèrement salé, on faisait aussi des beignets avec une pâte levée de farine de blé ou de farine de châtaignes.
« Ricordi » de Julie AVIGNON-PASTINELLI (Balogna).