C’est le groupe phare de la musique corse aujourd’hui. En langue corse, U Muvrinu (I Muvrini au pluriel) désigne un mouflon qui vit dans les montagnes de l’île.  Ambassadeur de la culture corse, I Muvrini défend les traditions de l’Ile de Beauté.

Mélangeant les sons actuels à la tradition ancestrale des polyphonies, ils font partie intégrante du courant de la world music. I Muvrini s’est formé à la fin des années 70 autour des frères Bernardini, Jean François et Alain. De leur père Ghjuliu, qui enregistrait dans la maison familiale, ils ont hérité la science de la polyphonie traditionnelle, avant de s’ouvrir au folk-song ou à la world-music. Avec lui ils enregistrèrent leurs deux premiers 45 tours. Leur premier album « I Muvrini…ti ringrazianu » sorti en 79, rend hommage à ce père disparu en 1977.   Dès leur deuxième album, « Anu da vulta » (Ils vont revenir), qui fait référence aux prisonniers politiques de la fin des années 70, ils mêlent la musique traditionnelle à leurs propres compositions. Les deux albums qui suivent sont réalisés avec la « scola aperta » (l’école ouverte).

Ces écoles de chant, crées par le groupe, sont destinées à apprendre aux enfants la culture corse par le chant et la musique. L’album « E campa qui » (Vivre ici), qui sort en 1981, élargit le public du groupe, puisqu’il paraît avec l’éclosion des radios libres qui s’empresseront de largement diffuser leurs titres. Très écouté en Corse, le groupe n’hésite pas à prendre position dans la vie politique locale, et draine des foules immenses lors de leurs concerts qui sont de véritables événements sur l’île. En 1984, sort l’album « Lacrime ». Cet album essentiel dans leur carrière réunit tout ce sur quoi ils avaient déjà travaillé et en même temps pose les bases de leur travail futur.

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Source photographique : www.muvrini.com

Avec difficulté, le groupe crée sa propre structure de production et de diffusion (AGFB), qui est aujourd’hui le premier distributeur de l’île. En 1985, le groupe est invité au Printemps de Bourges, puis à Paris au Théâtre de la Ville puis à Bobino. Leur notoriété dépasse la Corse et leurs polyphonies séduisent de nombreux publics à travers l’Europe. C’est à Paris qu’ils enregistrent « Pé l’amore di té » qui sort en 88. L’album se vend à plus de 300.000 exemplaires. Puis « Quorum », enregistré à Toulouse en 1989, est un salut au public qui les accompagne depuis longtemps. Une symbiose que souligne leur premier enregistrement en public « in core ». « A voce rivolta » (A tue-tête) marque l’ouverture à de nouvelles couleurs musicales.

Après une série de concerts à Naples et à Florence, en avril 92, sous leur propre production, ils investissent le Zénith, une des plus grandes salles parisiennes. Alors qu’ils avaient déjà participé à un album de Jacques Dutronc en 1990 sur « Corsica », Michel Fugain les invite en 1992 à chanter avec lui. Puis ce sera Véronique Sanson en 1995 lors d’un concert aux Francofolies de la Rochelle. En 1993, I Muvrini signe chez Island et sort en juillet leur douzième album « Noi » qui réunit douze compositions originales et un chant traditionnel a capella, « Lode ». Le groupe négocie avec leur label une distribution dans le monde entier mais, fait exceptionnel, il garde la distribution sur la Corse.

L’été 93 est réservé à une grande tournée à travers l’Ile de Beauté qui rassemble 80.000 personnes soit un corse sur trois. Après cela, le groupe joue deux soirs de suite au Zénith à Paris. L’album souvenir de ces deux concerts sort en 1994. En 1995, l’album « Curagiu » est Disque d’or. Il sera suivi d’une tournée et d’un concert-événement à Bercy le 27 janvier 1996 dont sera tiré un album live. Le 4 décembre 96, le groupe fête la fin d’une année triomphale à l’Olympia, puis deux mois plus tard, ils obtiennent la Victoire de la Musique du meilleur album de musique traditionnelle.

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Source photographique : www.muvrini.com

En mai 98, c’est sur un nouveau label, EMI, que paraît le 13ème album du groupe, « Leia » (liens). Enregistré en partie à Londres, l’album renferme un duo anglo-corse avec le chanteur Sting (« Fields of Gold »). Sur la scène de Bercy les 5 et 6 juin 98, I Muvrini prépare comme tous les ans leur rituelle tournée d’été en Corse. Le groupe retrouve l’ex-chanteur du groupe Police pour un nouveau duo, « Terre d’Oru ».

Le titre ne sort que sous forme d’inédit dans leur compilation « A Strada » qui paraît au printemps 2000. Ce CD, qui résume 13 albums, renferme aussi une version aux accents corses du « Amsterdam » de Jacques Brel. Entre, 99 et 2001, le groupe continue de tourner activement. On les voit sur les festivals (Spa, juillet 99), dans de grandes salles parisiennes (Olympia 99, Zénith, 23 juin 99 ou Bercy, 14 décembre 2000), et les participations à divers événements liés à la culture corse (Messe polyphonique en l’église St Jean et Stéphane des Minimes à Bruxelles, 23 janvier 2000). Enfin à l’instar de Cheb Mami, leur duo avec Sting les a lancés sur le marché international. Ils donnent donc une tournée nord-américaine de huit dates en juillet 2001 suivie de quelques dates sur les festivals français avant la rituelle tournée corse du mois d’août. Une tournée allemande a lieu à l’automne 2001.

Le 13 septembre, le groupe chante à l’église américaine de Paris en hommage aux victimes du 11 septembre. Mais leur nouvel « Umani », annoncé à l’automne 2001, ne doit finalement sortir que le 20 août 2002. Le 19 mai 2002, ils participent à un concert de soutien au profit du festival de Poupet en Vendée lequel connaît des menaces de disparition pour causes de nuisances sonores. Alors que le groupe est toujours plus ou moins sur les routes, avec une escale notamment au Festival de jazz à Nice en juillet et la tournée rituelle en Corse du mois d’août, l’album « Umani » (Humains) est mis sur le marché fin août. Emmené par le simple intitulé « Jalalabad » avec la participation du rappeur MC Solaar et qui évoque le sort des femmes afghanes, l’album est résolument tourné vers d’autres cultures. On peut ainsi entendre sur « Un sognu pè campà » le chanteur suisse Stephan Eicher ou Josefina Fernandes sur le titre « Vogliu » qui mélange de façon très intéressante la voix et la guitare flamenca, à la polyphonie corse. La pochette de l’album est signée Antoni Tapies, le peintre catalan qui offre là au groupe corse, une oeuvre originale. Parallèlement à la sortie de l’album, Jean-François Bernardini fait paraître un livre « Umani » (Editions du Seuil) qui rassemble poèmes, textes de chansons et réflexion sur son île. Après plus de 20 ans de carrière, I Muvrini continue de se battre en faveur d’une Corse pacifiée et fraternelle. En adaptant la tradition ancestrale de la polyphonie aux sons actuels, ils ont su faire connaître et faire apprécier leur culture et leur langue.

Un Article RFI Musique