Le Mazzeru (le sorcier) est un être étrange et mystérieux doté de pouvoirs surnaturels et capable de donner la mort de façon magique. C’est la nuit, plongé dans un rêve, que le Mazzeru quitte son lit, poussé par une force mystérieuse, pour parcourir la campagne à la recherche d’une proie. Posté derrière un arbre ou dans un bosquet impénétrable, il guette l’animal qui se laissera surprendre.

Le mazzeru est avant tout un sorcier et comme tel, il est un personnage auquel on attribue le pouvoir de donner la mort. Le mazzeru est également désigné, selon les régions, sous des noms différents comme culpadore, acciacatore, mazzeru. Ces trois termes sont formés à partir des verbes acciacà, culpà, amazzà, qui signifient « tuer » en frappant.

le mazzeru, le sorcier corse, être étrange et mystérieux

S’il lui est attribué l’acte de « tuer », c’est parce que le mazzeru ou plus exactement son double, se rend en songe à une chasse nocturne durant laquelle il abattra la première bête sauvage ou domestique qui viendrait à passer. Une fois cette bête tuée, il la retourne sur le dos et c’est alors qu’il voit se métamorphoser la tête de l’animal en visage d’une personne qu’il connaît et qui appartient à son espace social. Dès lors l’arrêt de mort de cette personne est signé ; il lui reste entre trois jours et un an à vivre. R.Multedo dira à ce sujet :

« Il reste à l’individu ainsi reconnu par le mazzeru un nombre impair de jours à vivre, sans que cela ne puisse dépasser la durée d’un an. »  

Cette chasse onirique se déroulera exactement suivant le schéma de la chasse traditionnelle ; ainsi le mazzeru pourra-t-il chasser seul ou en équipe.

Généralement c’est une chasse d’affût. Elle se pratique en embuscade, près des points d’eau, en des lieux incultes, sauvages, impénétrables.

La symbolique de l’eau revêt ici une importance cruciale. En effet, en Corse, comme en Grèce, les cours d’eau et les rivières marquent la limite d’un monde à un autre. Ils sont considérés comme la route des morts. La chasse mazzérique ayant suivi le cours de l’histoire et l’évolution des techniques, on comprendra aisément que le mazzeru qui en des temps primitifs chassait armé de sa mazza (masse) puisse aujourd’hui tuer aussi bien son gibier avec sa massue qu’avec son fusil.

Quoi qu’il en soit, ce don d’ubiquité et cette prédilection à côtoyer la mort des autres, fait peur. C’est en partie pour cela que le mazzeru est mis à l’ écart de la société, qu’il est, en quelque sorte, marginalisé. Cependant, à la différence de bien des pays, le sorcier corse n’est pas considéré comme un être volontairement et consciemment méchant.

Le mazzeru est maléfique puisqu’il tue. Mais il fait cela malgré lui, son acte échappant totalement au contrôle de sa volonté. Il agit sous l’influence irrésistible d’une force qui le dépasse, qui s’empare de lui et dont il est l’instrument involontaire.

Le mazzeru est l’incarnation d’une partie de la mémoire collective et de l’âme corse. Il est vraisemblable que sa qualité de personne mystérieuse tienne au fait que la magie et le rêve ont été, sont, et resteront des domaines où la logique humaine et le raisonnement cartésien n’ont aucun droit de citer.

Couv-Mazzerisme

Le Mazzerisme, un chamanisme Corse

Le mazzeru est quelqu’un qui voit et qui entend ce que les autres ne peuvent voir ni entendre. « Le mazzeru est un homme comme vous et moi, qui fait des rêves de chasse. Il se poste, en esprit, au gué d’un ruisseau. Il abat la première bête sauvage ou domestique qui vient à passer et qui est l’esprit d’un être humain. Après l’avoir tuée, il retourne la bête sur le dos. Il s’aperçoit, alors, que le museau de l’animal est devenu le visage d’une personne de sa connaissance, qui va mourir.

Un livre de Roccu Multedo

Editions l’Originel